Nous avons expliqué l’urgence linguistique du Pays Basque Nord avec Konfederazioa et Kontseilua
Aujourd’hui, Euskalgintzaren Kontseilua (le Conseil de l’Euskalgintza) et la Euskal Konfederazioa (Confédération Basque), deux organisations réunissant les principaux acteurs sociaux en faveur de la langue basque dans tout le Pays Basque et au Pays Basque Nord respectivement, ont tenu une conférence de presse à Bayonne.
Le 9 novembre, l’Assemblée Générale de l’European Language Equality Network (ELEN) a adopté à l’unanimité une DÉCLARATION SUR L’URGENCE LINGUISTIQUE. Cette déclaration a été lue par Idurre Eskisabel, secrétaire générale de Euskalgintzaren Kontseilua.
Ensuite, Sébastien Castet, membre de la Euskal Konfederazioa, a approfondi la situation et les besoins de la langue basque au Pays Basque Nord.
Concernant le Pays Basque Nord, un chiffre très significatif reflète la situation d’urgence linguistique dans laquelle se trouve la langue basque sur cette partie du territoire, celui tiré de la dernière enquête sociolinguistique informant qu’en 2021 seuls 21,1 % de la population était bascophone : si depuis ces dernières années le nombre de locuteurs en valeur absolue s’est stabilisé, le taux quant à lui continue de baisser (et selon les travaux de l’Office Public de la Langue Basque réalisés cette année, il pourrait tomber à 16 % en 2050).
A cette donnée préoccupante, il faut rajouter que l’usage de la langue basque continue lui aussi à diminuer, notamment du fait de la compétence linguistique des locuteurs bascophones.
Malgré cette situation d’urgence, des signes positifs sont à prendre en compte : le nombre de parents désirant un enseignement du basque ou en basque pour leurs enfants augmente, tout comme celui faisant le choix d’un premier accueil en basque (crèches, MAM…), de loisirs en basque (ALSH, classes vertes, séjours thématiques…). Le nombre des adultes apprenants est également à la hausse. Ces données montrent un attachement grandissant à la langue basque chez les non bascophones tout comme chez les bascophones (voir également, par exemple, la thèse d’Iñaki Iurrebaso montrant notamment que les bascophones maîtrisant mieux le français ou l’espagnol que le basque font néanmoins, dans une proportion importante, le choix de cette langue pour communiquer, quand l’occasion se présente).
Nous pouvons tirer deux enseignements de ces signes positifs : d’une part que la population du Pays Basque Nord, dans son ensemble, est prête à apprendre, utiliser et transmettre la langue basque ; et que d’autre part la politique linguistique actuelle des pouvoirs publics n’est pas en adéquation avec cette demande sociale ou, tout du moins, qu’elle n’y répond que partiellement.
Il est donc temps que les différentes institutions prennent leurs responsabilités en mettant en place des mesures adaptées à la situation, que ce soit pour garantir le respect des droits linguistiques des bascophones, ou encore pour atteindre le chiffre de 30% de locuteurs en 2050, premier palier dans la perspective d’une population à 100 % bilingue.
Il est encore possible de renverser la tendance, pour peu que la volonté politique de franchir un nouveau cap ne fasse pas défaut.
Parmi les mesures à prendre à court ou moyen termes :
Ressources législatives
Une politique de pleine revitalisation d’une langue minorisée n’est pas possible si cette langue ne bénéficie pas d’un statut juridique et de moyens législatifs adéquats. Toutefois, dans la situation actuelle de la langue basque et des autres langues minorisées présentes sur l’Hexagone, il est urgent, comme première étape, de modifier la Constitution française, et notamment son article 2, constamment invoqué pour empêcher toute nouvelle avancée pour nos langues, que ce soit au Pays Basque, en Corse, en Catalogne, en Martinique…
Le Collectif Pour Que Vivent Nos Langues dont est membre Euskal Konfederazioa a entamé une campagne dans ce sens l’année dernière. Par ailleurs, cette même nécessité a fait l’objet d’une autre résolution adoptée par le réseau ELEN la semaine dernière à Bilbao.
Ressources financières
Toute politique linguistique nécessite également des moyens financièrs. Les budgets investis en la matière au Pays Basque Nord restent très insuffisants, à commencer par celui de l’Office Public de la Langue Basque par lequel transitent notamment les aides financières attribuées aux opérateurs linguistiques associatifs.
Parmi ceux-là, à titre d’exemple, nous pouvons citer AEK, toujours sans cadre de financement (travail au niveau de l’OPLB), Uda Leku, dont le manque de financements publics met la structure en danger (communes), la baisse évoqué du fonds FSER permettant de financer les radios associatives locales (Euskal Irratiak par exemple), la reconduction de la convention entre Seaska et l’Éducation Nationale (État), les subventions de fonctionnement pour les structures promouvant l’usage de la langue basque (Topagunea, Plazara), etc…
Respect des droits linguistiques
Une dégradation est observée dans ce domaine ces derniers mois et années, même si le respect de ces droits ne nécessite pas forcément de moyens financiers ou législatifs supplémentaires. A titre d’exemple, l’impossibilité pour les élèves le désirant de passer les examens du Brevet et du Bac en basque, l’impossibilité pour les élu.es de la CAPB d’utiliser uniquement le basque à l’oral au sein des assemblées même avec un système de traduction simultanée (alors que ce droit est accordé aux conseillers régionaux en Bretagne), l’impossibilité pour un prévenu de déclarer en basque au tribunal de Bayonne (plusieurs cas de demandes systématiquement refusées ces derniers mois, alors que cela était parfois possible il y a quelques décennies de cela), etc…
Une collectivité territoriale aux compétences larges
Pour être efficiente, toute politique publique doit être pensée et gérée au plus près des administrés et des problématiques locales, adossée à un pouvoir décisionnel local fort. Il en va de même pour la langue basque qui, même si le pouvoir législatif concernant les langues minorisées resterait à Paris, permettrait de lever certains blocages actuels.
Ces derniers mois, Euskal Konfederazioa a eu maintes fois l’occasion de souligner que même si la situation de la langue basque est préoccupante, il est encore temps d’agir et de passer d’une urgence linguistique à une revitalisation linguistique.
Baiona, le 14 novembre 2024